Le cheval de trait Ardennais : Un cheval polyvalent ?

Histoire

Image flottante

L'Ardennais est l'une des races de chevaux les plus anciennes de France et de Belgique, il s'agit probablement du plus ancien cheval de trait d'Europe. Son élevage dépend longtemps des besoins humains pour la guerre. Il est utilisé à l'origine tant comme cheval de traction que comme cheval de selle. Avant la seconde moitié du xixe siècle, son modèle beaucoup plus fin et léger que l'actuel le rend réputé comme cheval de selle.

Origines

Image flottante

La présence de chevaux est attestée dans la région des Ardennes depuis les temps préhistoriques, puisque le site du roc la Tour, à Monthermé, a révélé deux plaquettes de schiste gravées d’une tête de cheval. D'après Amélie Tsaag Valren, l'Ardennais appartient au « rameau ardenno-flamand », un groupe de races de chevaux lourds originaires des Flandres et de l'Ardenne. La théorie obsolète « des quatre lignées » en fait un descendant d'une sous-espèce disparue appelée cheval des forêts (Equus caballus germanicus), ancêtre commun de nombreuses races de chevaux massifs d'Europe de l'Ouest. Il est longtemps décrit comme un descendant direct du cheval de Solutré, qui vivait au 50e millénaire av. J.‑C. dans les bassins de la Saône et de la Meuse, et se serait établi sur des plateaux schisteux au climat rigoureux à la même époque. Cette théorie est également obsolète, aucune donnée ne prouvant que des chevaux du site de Solutré aient migré vers les Ardennes.

En 1985, l'Historien Jean-Pierre Penisson synthétise les travaux menés sur des restes de chevaux préhistoriques retrouvés dans la région ardennaise. Selon lui, ils appartiennent à des sous-espèces différentes. Durant le Würm II, deux ou trois espèces de chevaux du type Equus caballus semblent avoir vécu dans la région de Dommery, notamment Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus. Selon le laboratoire de géologie du Quaternaire et Préhistoire de l’université Bordeaux I, ces chevaux pourraient être à l'origine de l'Ardennais. Les chercheurs belges remarquent qu'à la même époque, Equus caballus germanicus est progressivement supplanté par Equus caballus gallicus, un animal svelte et de taille plus réduite. Equus caballus gallicus devient un gibier très prisé dès la fin du Paléolithique supérieur. Durant l'Holocène, le cheval est plus rare dans la région.

L'ancêtre du cheval ardennais est probablement, comme le sont toutes les races avant l'organisation de l'élevage équin en France, de petite taille (environ 1,40 m au garrot), bien que des squelettes de chevaux toisant 1,50 m, déterrés dans la région, soient cités comme ancêtres de l'ardennais actuel. Plusieurs populations humaines ont côtoyé ces chevaux, pour s'en nourrir et plus tard les domestiquer, au moins à partir des Gaulois.

Antiquité

La race ardennaise est la seule parmi les races de chevaux actuellement présentes sur le territoire belge à être mentionnée dès l'Antiquité. Les chevaux des Ardennes sont signalés par l'historien grec Hérodote, qui note les qualités des cavaliers du Nord de la Gaule. Jules César écrit qu'il trouva dans la « deuxième Belgique », dont les Ardennes font partie, des animaux « rustiques, durs et infatigables » à l'époque de la guerre des Gaules. La population de chevaux sauvage locaux est très prisée pour remonter différentes armées. Il semble qu'une garnison de 500 chevaux est présente à Carignan en 284, et que Mouzon soit un centre d'élevage et de formation pour la cavalerie romaine en 440. Sous le règne de Néron, un attelage de juments ardennaises est destiné à cet empereur, qui prétend être l'un des meilleurs conducteurs de quadrige du cirque.

Moyen Âge et Renaissance

Image flottante

L'« Arabomanie » équestre du XIXe siècle pousse les hippologues à attribuer à l'Ardennais une origine orientale, du moins l'influence de chevaux arabes est évoquée. Il s'agit vraisemblablement de la diffusion d'un mythe hippologique, l'influence réelle des chevaux arabes sur la race ardennaise étant infime, ou nulle.

D'après l'un de ces récits, un abbé de l'abbaye de Saint-Hubert aurait fait venir des étalons du Limousin, descendants directs d'étalons et de juments arabes restés en France après la défaite de l'émir Abd al-Rahman ibn Abd Allah al-Rhafiqi. Plus tard, des relations établies entre la Belgique et l'Orient grâce aux expéditions des croisades auraient fait comprendre aux abbés de Saint-Hubert les avantages du cheval arabe. Des étalons arabes auraient été introduits dans les Ardennes et croisés avec les juments locales, améliorées depuis par croisements avec des étalons du Limousin. Un récit similaire, transmis par les habitants des Ardennes, veut que Godefroy de Bouillon ait voyagé de son château jusqu’à Jérusalem sur un cheval ardennais lors de la première croisade. La race semble avoir bonne réputation lors des croisades qui suivent. Durant la Renaissance, le maréchal de Turenne rend hommage aux qualités des chevaux ardennais qui remontent sa cavalerie, alors qu'il campe dans le pays de Trèves.

De l'époque napoléonienne aux années 1850.

L'organisation de l'élevage de races de chevaux de trait ne date que de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il accompagne le développement de l'agriculture. Auparavant, les chevaux de trait belges et ardennais forment, sous l'empire napoléonien, des souches élevées dans un pays unique.

Guerres napoléoniennes

Image flottante

Durant le Premier Empire, tous les chevaux d'artillerie viennent des Ardennes ou de Bretagne. Ils sont utilisés dans les armées comme monture et pour tirer les canons. Le cheval ardennais est décrit comme un petit animal de selle et de trait léger réputé pour sa rusticité, sa sobriété et son endurance. Il résiste longtemps aux fatigues de la guerre, et passe pour un très bon cheval de service. Capable de résister aux intempéries et aux privations, de se nourrir de mousse et de lichen, l'ardennais est si réputé que les zootechniciens se demandent « s'il existe une bête plus solide et plus résistante dans quelque pays ». Décrit comme « nerveux et infatigable », sa conformation courte et ramassée en fait un cheval « ni beau ni distingué », mais réputé pour son fond, sa résistance et son énergie, doué d'une grande longévité, et dont les qualités sont précieuses pendant la campagne de Russie.

La morphologie de l'Ardennais, tel qu'il est décrit en 1780, rappelle les chevaux des hussards, avec une tête sèche, carrée et un peu camuse, un œil proéminent, des oreilles courtes et bien plantées, une physionomie intelligente et éveillée, une encolure droite, des épaules plates, un poitrail étroit et un garrot élevé. Il toise entre 1,42 m et 1,52 m, et pèse environ 500 kg. Il tire les diligences et de petits véhicules de commerce, des wagons, des chariots de postes, et forme un cinquième de la cavalerie des gendarmes.

En 1802, le général Loison est en garnison à Liège. Il remonte le 26e régiment de chasseurs à cheval sur de jeunes chevaux ardennais achetés à la hâte, qui résistent à la campagne d'Allemagne et rentrent en France « parfaitement intacts ». Napoléon Ier, qui proclame la race comme « infatigable », ordonne leur croisement avec le cheval Arabe vers 1810, pour leur apporter du fond et de la résistance. Ce programme obtient peu de résultats.

Un épisode lié au cheval ardennais a largement marqué la mémoire populaire. Cette race serait la seule à être revenue de la campagne de Russie, où 12 000 à 14 000 chevaux trouvèrent la mort (une autre source fait état de 30 000 chevaux morts en une seule nuit). Les militaires survivant à cette expédition racontent que les chevaux ardennais se contentaient pour toute nourriture du chaume qui recouvre les habitations, et qu'ils résistaient au froid, à la fatigue et à la faim.

Près de 40 ans plus tard, les éleveurs belges se racontent l'histoire comme une légende locale : « Napoléon prisait fort leurs qualités et des régiments venaient recruter leurs montures chez nous. Dans la fatale retraite de Russie, les chevaux qui résistèrent le plus longtemps, ceux qui supportèrent la faim et la fatigue, et qui revirent encore, mais en bien petit nombre, les champs de victoire du départ, ce furent nos petits ardennais ».

Aux Pays-Bas
Sous le gouvernement des Pays-Bas, un régiment de lanciers en garnison à Utrecht est exclusivement remonté dans les Ardennes. Les chevaux mis à la réforme par ce corps sont recherchés par les maîtres de poste et les entrepreneurs de messageries. Quelques observateurs des chevaux de l'artillerie hollandaise après la révolution belge de 1830 rapportent qu'une partie des attelages sont traînés par des chevaux ardennais, parmi lesquels « se trouvent encore quelques vieux débris de Waterloo », l'autre par des chevaux hollandais et allemands. « Les privations, les intempéries, le bivouac avaient, durant cette courte campagne, réduit ces derniers à l'état de squelette ; les ardennais, au contraire, étaient conservés comme au moment du départ ».

Déclin de la race de 1815 à 1834

En 1815, tous les chevaux valides de la contrée sont réquisitionnés par les armées napoléoniennes, si bien qu'il ne reste parmi la race ardennaise que quelques animaux « d'une pauvreté incommensurable ». Les éleveurs du pays sont épuisés, comme le reste de l'Europe. L'industrie privée est abandonnée à elle-même. Le haras de Walferdange « n'est pas de nature à rendre au cheval de selle ardennais son antique mérite et sa vieille réputation ».

En 1834, la race ardennaise reste appauvrie et de mauvaise réputation. Les animaux sont décrits par le zootechnicien Eugène Gayot en ces termes : « La tête est toujours droite mais elle est lourde, épaisse, chargée de ganache, mal coiffée, sans expression et sans grâce. L'encolure est grêle et pauvre, le garrot s'est enfoncé, la ligne du dos et des reins a fléchi en s'allongeant, la croupe est en pupitre et défectueuse, la queue basse, la côte est plate, le ventre avalé, la saillie des hanches est excessive et disgracieuse, le membre antérieur est grêle et faible en regard surtout au volume du corps et au poids qu'il doit supporter ; le genou est mince, effacé, il manque de largeur : le tendon est failli, collé à l'os ; l'ongle est de nature cassante et la surface plantaire tend à la forme plate ; au membre postérieur, la jambe n'est point assez fournie, le jarret est clos, le pied panard. La taille moyenne s'est élevée de 4 à 6 cm en moyenne ; le tempérament est moins résistant, plus lymphatique que musculaire, c'est le contraire du cheval d'autrefois, il en résulte que les qualités propres à la race ardennaise ont baissé. »

Les nouvelles exigences de l'équitation militaire en Belgique font peser une exclusion sur le cheval ardennais. La première est le manque de taille, car les chevaux les plus aptes au service de la cavalerie légère sont de plusieurs centimètres au-dessous de la limite fixée par les règlements. La seconde est la pesanteur de l'avant-main, tout cheval monté dont le centre de gravité ne tombe pas en arrière du garrot est inutilisable à la selle. Ce « défaut de conformation » rend l'ardennais moins maniable, et dans le combat d'homme à homme, dans la rencontre d'une mêlée, la vie du cavalier se trouve plus exposée.

Régénération de la race de 1835 à 1850

Image flottante

En France, vers 1835, des efforts pour « perfectionner la race ardennaise » sont entrepris dans le département français des Ardennes, qui selon les zootechniciens de l'époque, est l'un de ceux qui s'occupent le plus de la régénération des chevaux. L'indécision reste longue pour savoir quels types d'animaux reproducteurs adopter. Certaines opinions sont en faveur du cheval Percheron, d'autres de l'Anglo-normand, de l'Arabe ou encore du Pur-sang. Vingt ans plus tard, les animaux, mieux nourris, ont acquis plus de force et de taille que l'ancienne race. Vers 1850, les étalons anglo-normands sont en faveur et le dépôt des remontes de Villers possède « des produits assez bons et propres à remonter l'arme des dragons ». Ces chevaux diffèrent complètement de l'ancienne race ardennaise, par leur taille, leurs caractères zoologiques et leur force. De 1830 à 1848, le conseil général vote une somme annuelle de 20 000 francs pour l’achat d'étalons. En vingt ans, 500 000 francs environ sont donc dépensés pour la « régénération » du cheval ardennais. Ces croisements ne sont pas toujours une réussite : l'hippologue français Felix Villeroy regrette « que l'on n'ait pas cherché à améliorer par elle-même l'ancienne race ardennaise ».

En Belgique, le cheval ardennais n'est plus utilisé dans l'armée mais acquiert une solide réputation de cheval agricole à l'approche des années 1850. Un propriétaire de Moravie introduit ainsi des chevaux ardennais dans ses domaines, les journaux autrichiens en louent la qualité et la résistance au travail. Dans la province de Luxembourg, la députation du conseil provincial, la commission d'agriculture, et les sociétés d'encouragement et d'amélioration « rivalisent de zèle et de dévouement » pour relancer la race. Cette harmonie d'efforts stimule les éleveurs. La province aspire au monopole de la remonte des cavaleries légères et selon le ministère belge de l'époque, « plus que toute autre région de la Belgique, elle réunit les conditions de succès ». Les chevaux luxembourgeois présentés lors de l'exposition nationale agricole belge de 1848 ont ainsi un grand succès.

Âge d'or de 1850 à 1950

Image flottante

En 1856, on distingue deux grands types de chevaux ardennais : la race de trait destinée à l'agriculture, au commerce et à l'industrie, et la race ardennaise condrosienne, décrite comme le cheval à tout faire. L'Ardennais est le type même du « cheval ouvrier », par opposition aux chevaux Percherons ou Boulonnais, considérés comme prestigieux.

Croisements de l'ardennais léger

Image flottante

L'ancien cheval ardennais de selle disparaît presque totalement des Ardennes françaises au milieu du XIXe siècle, et ne peut être trouvé que dans la province de Namur et au Luxembourg.

La race ardennaise de petite taille est réputée précoce, moins puissante que le cheval de trait mais très courageuse, excellente comme cheval d'artillerie, pouvant être montée et faire un long trajet. Ces chevaux, attelés à une voilure à quatre roues, parcourent 90 kilomètres en un jour et recommencent le lendemain. Ils sont utilisés par les attelages des médecins dans la province de Liège, et même comme montures ou comme carrossiers de prestige. Malgré leurs qualités de rusticité, ils se voient souvent reprocher leur morphologie peu élégante : taille trop réduite, encolure trop courte et trop épaisse, tête trop grosse et garrot trop peu sorti, ce qui pousse les administrations des haras à exiger des croisements avec le Pur-sang, race alors devenue très populaire, et à établir des stations d'étalons anglais en Belgique. Les éleveurs sont très réticents à opérer ces croisements avec leurs juments, malgré les fortes primes proposées. Quelques zootechniciens s'opposent fermement à ce qu'ils voient comme l'« anéantissement des caractères distinctifs de la race ».

En 1861, selon le journal des cultivateurs édité à Bruxelles, les Ardennais ont « considérablement regagné en taille et en conformation », grâce à deux règlements provinciaux édités en Belgique et au Luxembourg en 1847 et 1855, « qui furent judicieusement appliqués ». Ils ont « la tête plus légère et mieux attachée qu'autrefois, moins chargée en ganache, avec une auge moins empâtée, une encolure plus longue et plus flexible qui les rend plus maniables, un garrot mieux ressorti, un avant plus relevé, une croupe moins avalée et des jarrets moins coudés ». Les allures sont « plus souples que celles de son ancêtre, le cheval est plus solide, rapide et vigoureux, sa taille et son poids ont augmenté grâce à une nourriture plus abondante, et la race retrouve l'antique renommée » qui lui vaut d'être très prisée par des éleveurs français et allemands, venus les acheter en Belgique et au Luxembourg.

Selon les zootechniciens français, dans les Ardennes belges, le Brabant, la Hesbaye et le Condroz, les chevaux atteignent une haute taille, qui est beaucoup moins élevée dans les arrondissements de Rethel et de Vouziers, centre de production des chevaux ardennais communs en France, dont la population est assez restreinte. Ces chevaux sont caractérisés par un front large (brachycéphalie), des arcades orbitaires saillantes, un chanfrein fortement déprimé, des ganaches écartées et fortes, une tête courte. Ils ne diffèrent en rien des chevaux bretons, leurs qualités étant toutes morales. Les partisans du croisement tentent d'introduire des étalons percherons et de donner les juments ardennaises aux gros étalons rouleurs du Luxembourg qui franchissent la frontière. Les tentatives échouent. Un dépôt d'étalons de l'administration des haras qui avait été établi à Charleville est supprimé.

Formation de la race de trait

Image flottante

La période qui suit les années 1850 est favorable au cheval de gros trait. Les éleveurs ardennais, français comme belges, croisent leurs animaux avec des étalons flamands et belges, puis des percherons. L'Ardennais de cette époque ne ressemble plus du tout à celui des vingt dernières années du XVIIIe siècle. En 1862, en France, le Percheron, le Breton, le cheval du Condroz - ou double ardennais - ainsi que l'Ardennais proprement dit sont décrits comme les meilleurs chevaux de trait du pays. Le double ardennais possède des qualités propres de tractionneur et de trotteur, réputé comme limonier pour l'artillerie bien que « peu élégant », il a l'avantage de « ne pas exiger une ration d'avoine aussi forte qu'un Percheron ».

En Belgique, une première « Société mutuelle pour l'élevage du cheval ardennais » est constituée à Neufchâteau en 1841. Elle réussit à exporter le cheval ardennais dans de nombreux pays. L'élevage de l'Ardennais de trait devient florissant à la fin du XIXe siècle, quand sa morphologie est entièrement « adaptée » aux exigences de l'agriculture et des travaux forestiers. Pour cela, il est croisé avec des étalons de gros trait belges qui augmentent sa taille et sont souvent accusés d'avoir amoindri ses qualités de rusticité. Le cheval ardennais de l'ancien type disparaît des haras belges entre 1880 et 1890, faute de primes encourageant les éleveurs à le produire. La race du trait belge est créée en 1886 par la fusion de trois souches de chevaux de trait régionales belges : le Brabançon, le cheval flamand et le cheval ardennais belge. En France, le haras national de Montier-en-Der, créé en 1806, devient un important centre d'élevage du cheval ardennais. Les quatre premiers étalons ardennais nationaux intégrèrent ce haras en 1887 et permettent de constituer la jumenterie française à l'origine des « ardennais français ».

Au cours du XIXe siècle, de nouvelles machines améliorent les techniques agricoles et entraînent un agrandissement important des surfaces cultivées. L'amélioration des rendements et des techniques agricoles ; l'industrialisation à partir de 1850, transforment les fermes familiales en exploitations. À la fin du XIXe siècle, l'ardennais est croisé avec le Percheron, le Trait belge, le Pur-sang et le Trait du Nord, afin de le rendre plus léger et de l'adapter aux nouvelles exigences de l'agriculture et des travaux forestiers. Ces croisements se poursuivent jusqu'à la Première Guerre mondiale. Ils entraînent une augmentation de la taille de la race, qui devient plus osseuse, plus étoffée, plus puissante, et donc plus susceptible de travailler les terres lourdes des grandes exploitations de l'Est de la France.

Le premier stud-book français de la race ardennaise date du 17 février 1908. Il est créé par la société hippique des Ardennes, un regroupement de syndicats d'élevage régionaux. Au début des années 1930, ces chevaux atteignent l'apogée de leur développement physique. L'Ardennais est alors souvent décrit comme un « laboureur-né » avec l'encolure dans l'alignement de son dos, voire plus basse, et un museau rasant le sol. Il est entièrement bâti pour la traction et cette conformation lui permet de déplacer des poids énormes sur de courtes distances.

De 1914 aux années 1950

Image flottante

Pendant la Première Guerre mondiale, l'Ardennais de trait est très demandé pour tirer les chariots d'artillerie. Son calme et sa tolérance aux travaux difficiles, combinés à sa nature active et flexible, en font un cheval idéal pour cette tâche. Son élevage est valorisé : lorsque les Allemands établissent leur Commission pour l'obtention de chevaux en octobre 1914 afin de capturer les chevaux belges, il est spécifié que les Ardennais font partie de l'une des deux races les plus importantes, l'autre étant le trait belge. Les Allemands s’avèrent incapables de s'approprier les chevaux de la famille royale belge qui sont évacués à temps, mais ils capturent assez de bêtes pour perturber les programmes agricoles et d'élevage du pays. Les chevaux utilisés pour le transport de biens sont également capturés, ce qui provoque une crise d'approvisionnement de combustibles l'hiver suivant, faute de chevaux pour transporter le charbon. Les Allemands revendent plus tard certains de ces chevaux aux enchères. Empêchés par les Alliés d'importer des montures, les Allemands se retrouvent à court de chevaux vers la fin de la guerre. Le transport de leur matériel et leur approvisionnement s'en trouvent affectés, ce qui contribue grandement à leur défaite.

La Première Guerre mondiale, qui se déroule en grande partie dans le berceau d'élevage de la race, a des conséquences catastrophiques pour l'élevage franco-belge. L'administration française des haras favorise une relance en race pure, et croise les étalons ardennais restants avec des juments indigènes qui ont « conservé les qualités ancestrales de la race : rusticité, sobriété, douceur et énergie ». En Belgique, la même démarche est mise en place mais les éleveurs luttent contre des projets de croisements.

L'ardennais reste un cheval d'artillerie et de transport de matériaux jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Comme cheval de selle, les demi-sang lui sont préférés. Malgré le développement de la motorisation, notamment dans les grandes villes, l'Ardennais demeure largement employé durant l'entre-deux-guerres, aussi bien par les brasseries, les boulangeries, que pour le charbonnage ou le débardage. En 1926, la société belge du cheval de trait ardennais est créée pour défendre la race face au développement des moteurs. Le stud-book de l'ardennais belge reste confondu avec ceux du Brabançon et du cheval des Flandres sous le nom de « trait belge » jusqu'en 1935, date où les éleveurs d'Ardennais belges s'en séparent en créant la « société royale du cheval de trait ardennais ». En 1929, en France, le haras national de Montier-en-Der compte 127 étalons reproducteurs, tous de race ardennaise.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le cheval est très peu employé par les armées, car il a prouvé ses limites face aux engins motorisés. Par contre, les stocks de carburants disponibles sont réquisitionnés, le cheval de trait reste indispensable au transport comme aux travaux des champs. Il est très demandé jusqu'à la reddition des allemands en 1945. En 1946, les agriculteurs ardennais manquent de chevaux pour effectuer leurs travaux. L'élevage équin se reconstitue, mais la motorisation de l'agriculture s'intensifie à la même époque, signant la fin de la traction hippomobile.

Fin de l'utilisation au travail

Image flottante

La commercialisation à grande échelle du tracteur agricole et de la moissonneuse-batteuse commence vers 1945. Une jument ardennaise de bonne qualité est alors vendue 110 000 anciens francs et un petit tracteur à pétrole 100 000 anciens francs. La très forte demande en tracteurs multiplie ce prix par dix en dix ans. L'enrichissement des agriculteurs durant les Trente Glorieuses leur permet de s'équiper massivement de machines. La race ardennaise est de plus en plus délaissée. Le déclin de l'élevage est palpable dès le début des années 1950. C'est surtout dans les années 1960 que l'on assiste à un effondrement des effectifs de chevaux de trait, sans qu'une entreprise de sauvegarde ne se mette en route. Selon la revue Élevage ardennais de 1952, il semble que le Sud de la région soit plus propice à l'abandon du cheval que le Nord, en raison du relief et de la taille plus réduite des exploitations. Les effectifs d'étalon nationaux ardennais français déclinent après la Seconde Guerre mondiale, si bien qu'en 1980, il ne reste que 35 étalons dont 15 de trait sur le site du haras national de Montier-en-Der.

Des concours de race à vocation agricole continuent néanmoins à être organisés dans la région ardennaise. En 1956, 110 chevaux défilent au concours des Ardennes. Le 23 mars 1966, L’Union mentionne que le concours départemental d’élevage rassemble pour la première fois des chevaux de trait. En 1968, les Soviétiques s'intéressent au cheval ardennais en vue d'une importation, mais la race est alors en très net déclin dans toute sa région d'origine. Un marché temporaire s'ouvre en Inde dans les années 1980, des camions de chevaux ardennais partent pour l'usage militaire.

Relance bouchère des années 1970 à 1980

Image flottante

Au début des années 1970, les effectifs de chevaux de trait ont très fortement baissé dans la plupart des pays où ils étaient utilisés, dont la Belgique et la France. À la même époque, Henri Blanc est nommé à la direction des haras nationaux français. Il organise la reconversion des neuf races de chevaux de trait françaises en animaux de boucherie. Jusqu'en 1982, il freine les importations de viande et finance une recherche de l'INRA sur l'engraissement des poulains de trait. Il encourage les éleveurs français, qui ne trouvent plus d'acheteurs pour leurs animaux, à engraisser ceux-ci pour les revendre au poids aux abattoirs. L'hippophagie assure, paradoxalement, une partie de la sauvegarde de l'Ardennais français en gardant son capital génétique intact, mais aussi en transformant le modèle des animaux, autrefois taillés pour le travail, en celui de « bêtes à viande ». Un arrêté du 24 août 1976, paru dans le journal officiel de la République française, renomme toutes les races de « chevaux de trait » françaises en « chevaux lourds », pour inciter les éleveurs à sélectionner des étalons reproducteurs les plus lourds possibles. Les haras nationaux achètent et approuvent des étalons lourds destinés être croisés à des juments lourdes, pour donner naissance à des poulains qui engraissent rapidement. Ces derniers sont abattus vers l'âge de 18 mois pour produire de la viande. Entre le milieu du XXe siècle et les années 1980, le poids moyen d'un cheval ardennais passe ainsi d'une moyenne de 600 à 800 kg à une moyenne de 700 à 1 000 kg, voire davantage.

Le marché de la viande de cheval ne suit pas. Les éleveurs français sont dépassés par les importations de chevaux à bas prix venus du continent américain et d'Europe de l'Est. Les effectifs de la plupart des races de chevaux de trait continuent à baisser jusqu'en 1994. En Belgique, comme en France, la race ardennaise est alourdie pour la production de viande à destination de pays hippophages.

Renouveau de l'équitation de loisir et de travail

Image flottante

Quelques initiatives voient le jour dans les années 1980 pour redonner à l'Ardennais une place de cheval de travail. Le 22 août 1984, une compétition de trait-tract est organisée à Reims entre des Percheron et les Ardennais. En 1985, dix-huit chevaux ardennais sont importés de Sedan vers le Chili, pour le travail agricole. En 1988, Lucien Grüss choisit quatre poulains ardennais pour monter un spectacle de cirque. En 1989, l'Ardennais est remis au travail dans les champs. Un centre d’insémination artificielle consacré à la race ouvre à Pouru-Saint-Remy. Un an plus tard, un concours de race réunissant les éleveurs de dix départements français est organisé à Vittel.

Au début des années 1990, l'équitation de loisir connait un nouveau souffle tandis que la consommation de viande de cheval chute. L'effondrement du prix de la viande pousse les Haras nationaux français à réorienter les activités liées au cheval de trait. L'Ardennais rencontre un nouvel engouement pour le tourisme rural. Une expérience de débardage avec des Ardennais se met en place à Bondy, en Île-de-France, en 1991. L'intérêt que suscite l'Ardennais en Europe aboutit à la mise en place d'une convention de sauvegarde signée entre les Français et les Belges au haras national de Montier-en-Der, en 1992.

Le 11 mars 1994, le journal officiel de la République française publie un nouvel arrêté redonnant au « cheval lourd » son ancien nom de « cheval de trait ». En 1996, un autre arrêté interdit la caudectomie (coupe de la queue) chez tous les chevaux de trait nés en France. Des éleveurs français s'orientent vers la production d'animaux sportifs destinés aux loisirs ou au travail, que les haras nationaux se mettent de nouveau à acheter. L'Ardennais retrouve une certaine sveltesse dans sa silhouette. De nouvelles manifestations destinées à sauvegarder le cheval de trait voient le jour, telles que la route du Poisson et les parcours de maniabilité ou d'endurance.

Image flottante

Dans le département français des Ardennes, une association pour la relance de l'attelage naît en 1993. Diverses manifestations autour du « cheval du pays » sont organisées, notamment à Signy-l'Abbaye en 1993, à Mouzon en 1995, au Haras national de Montier-en-Der, ou encore à Buzancy en 1997. En France, la mise en place de primes pour les races menacées a participé à la relance de l'élevage : l'Ardennais fait partie des races de chevaux dont les éleveurs peuvent bénéficier de la « Prime aux races menacées d'abandon » (PRME), mise en place en 1997, d'un montant de 100 à 150 € en 2004.

La commune de Villiers-sur-Suize est la première en Champagne-Ardenne à utiliser un cheval de trait ardennais pour des travaux légers. Une jument nationale ardennaise, Quadrille*HN, a acquis une certaine popularité depuis 2007 où elle effectue avec son meneur, Charles Ludwig, divers travaux d'intérêt général dans la commune alsacienne de Lampertheim.

Souhaitez-vous visiter la source ? Wikipedia ?